Portrait de territoire : Clamecy (Nièvre)

Conformément à la première prérogative de l’URPS consistant en l’analyse des besoins de santé et de l’offre de soins, votre Union Régionale vous propose aujourd’hui une mise en point sur un territoire très particulier de Bourgogne Franche-Comté sur ces aspects : Clamecy, commune au cœur de la Bourgogne nivernaise.

Dressé selon les méthodes internes de l’URPS d’approximation des besoins de soins dentaires et leur rapport aux données d’offre de soins dont elle dispose, ce portrait sera l’occasion de démontrer à quel point Clamecy répond à la définition de « désert médical » bucco-dentaire, et le caractère critique de sa situation.


 

Densité par isochrone

Mesure carroyée du rapport offre/demande de soins

Le premier élément présenté pour estimer la tension générale du rapport offre/demande de soins sur le secteur de Clamecy est la densité de chirurgiens-dentistes pour 10000 habitants. Si cet indicateur bien connu de tous est loin d’être révolutionnaire, nous innovons toutefois en vous fournissant une analyse « isochrone » de celui-ci.

La carte des isochrones ci-contre présente un aperçu, grâce aux données OpenStreetMap, de la distance franchissable en voiture pour 4 niveaux de distance-temps autour d’un centroïde placé sur Clamecy : 10, 15, 20 et 30 minutes.

NB : vous pouvez produire vous-même ce type de carte grâce à notre module de cartographie interactive !

Ensuite, pour chaque niveau de distance-temps, nous collectons le nombre d’habitants par carreau INSEE situé dans le champ d’action ainsi que le nombre de chirurgiens-dentistes afin de produire une version plus fine de l’indicateur de densité, désormais calculé à la rue près, et non plus basé sur des effectifs communaux ou autres découpages géographiques (bassins de vie, cantons, etc.).

Le seul praticien à moins de 15 minutes de Clamecy se situant dans le département voisin, et seuls 6 praticiens se trouvant à moins de 30 minutes, le niveau de l’indicateur de densité est extrêmement bas.

A 15 minutes autour de Clamecy, il est plus de 6 fois inférieur à la moyenne nationale, et presque 5 fois inférieur à la moyenne régionale.

Pour obtenir une densité professionnelle à 15 minutes proche de la moyenne nationale, le territoire aurait besoin de 5 praticiens supplémentaires.

Tout praticien s’installant sur le territoire bénéficierait d’une patientèle très importante.


Intensité estimée des besoins de soins

L’URPS retient 2 indicateurs pour estimer l’intensité des besoins de soins dentaires : le gradient socioéconomique, et la prévalence des maladies chroniques.

Gradient socioéconomique

Démontré scientifiquement et confirmé par la profession à de multiples reprises, le besoin de soins est très fortement lié au niveau socioéconomique d’un individu. Plus son statut socioéconomique est défavorable, plus son besoin de soins dentaires sera fréquent.
Pour l’approcher, l’URPS se repose sur le FDep (deprivation index), l’indice de défavorisation socioéconomique.

Utilisé par de nombreuses institutions et reconnu comme un indicateur de suivi de l’évolution des inégalités sociales de santé par le Haut Conseil de la Santé Publique, cet indicateur se compose des 4 dimensions fondamentales du niveau socioéconomique : la part d’ouvriers dans la population, la part de bacheliers, le taux de chômage, et le revenu médian.

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Dans notre cas en Bourgogne nivernaise, le niveau socioéconomique est très défavorable. Ce territoire concentre la plus grande part des IRIS de la région faisant partie des 20% les plus défavorisés. Donc non-seulement la densité de praticiens est très faible, mais ses habitants ont très fréquemment besoin de soins.

Part d’assurés sociaux par commune ayant au moins une Affection Longue Durée (ALD)

Autre indicateur de l’intensité du besoin de soins, la part d’assurés sociaux en ALD par commune apporte un éclairage supplémentaire sur la fragilité des populations sur les territoires.

Aujourd’hui, le lien entre les maladies chroniques et les pathologies bucco-dentaires n’est plus à démontrer. Le diabète favorise les parodontites, et réciproquement. Pour ce qui est des patients cardiaques, ils doivent faire l’objet d’un suivi régulier. Idem pour les patients sous traitements anticancers. Là où se trouve la chronicité, on a besoin d’un chirurgien-dentiste.

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Dans notre cas, on observe que Clamecy est au beau milieu d’un océan de rouge sur la carte des maladies chroniques de Bourgogne Franche-Comté. Cette chronicité s’associe à la défavorisation socioéconomique dans la mise en évidence de la fréquence des besoins de soins. Elle présage aussi d’une patientèle fidèle, au-delà d’être importante.


Instabilité du recours aux soins

Pour un territoire donné, une densité professionnelle qui serait satisfaisante d’une part et un besoin de soins estimé peu intense d’autre part ne traduisent pas systématiquement une situation acceptable en termes d’accès aux soins pour la population. Certains phénomènes sont susceptibles de perturber les recours aux soins, les rendre « instables ». Parmi eux, le plus fréquent est le départ en retraite d’un chirurgien-dentiste.

Dans la mesure où la relation praticien-patient est inscrite dans la durée, c’est toute une patientèle qui se retrouve impactée lorsqu’un praticien part à la retraite. Quand celui-ci ne trouve aucun repreneur, et qu’aucun nouveau praticien ne s’installe à proximité, les recours aux soins des patients sont perturbés : ils ne savent plus vers qui se tourner, et ont davantage tendance à remettre à plus tard leurs problèmes bucco-dentaires.

La carte ci-dessous présente, par territoire de vie (TV), la part de praticiens susceptibles de partir à la retraite d’ici 3 ans, basée sur l’âge réel des praticiens et leur écart à l’âge théorique de la retraite (à taux plein).

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Pour cette carte, l’URPS mobilise (essentiellement pour une question de confidentialité) le découpage en territoires de vie (TV) de la Bourgogne nivernaise, découpage qui repose sur la notion de pôle de service, de zones d’influence, et d’équipements du territoire.

Pour Clamecy, on remarque que le territoire, à cheval sur 2 départements, compte 2 praticiens.
Les 2 sont installés dans l’Yonne.
Et sur ces 2 praticiens, 1 a l’âge de partir en retraite.

Le risque prospectif d’instabilité des recours aux soins sur ce secteur est donc élevé.

Mais au-delà du risque prospectif d’instabilité, c’est aussi le niveau ACTUEL d’instabilité des recours aux soins qui est alarmant.

D’une part, le dernier praticien à s’être installé à Clamecy a commencé son activité en 2018 et l’a cessé en 2020. Et son prédécesseur n’est pas resté plus longtemps.
D’autre part, nous ne ferons qu’évoquer les « incidents » sanitaires passés, relatés dans la presse, survenus dans ou au voisinage de ce territoire.

Ces évènements génèrent, au même titre que les départs en retraite, des chocs dans le recours des patients : désorientation, complexité de reprise des soins.

En conclusion

Le choix – très arbitraire – du territoire de Clamecy pour cet article composé par votre Union Régionale avait pour objectif d’exposer un cas d’école de « désert médical » bucco-dentaire pour lequel tous les voyants sont au rouge.

La densité isochrone des chirurgiens-dentistes du territoire de Clamecy est très inférieure à celle que l’on peut observer en région, et a fortiori en France. A cette tension générale s’ajoute un besoin de soins dentaires estimé très intense de par l’extrême vulnérabilité de sa population au regard du gradient socioéconomique et des maladies chroniques. Enfin, le recours aux soins des patients – tant actuel que prévisionnel – semble très instable.

Fragile et en tension sur le plan bucco-dentaire, voire même sinistré, le territoire de Clamecy nécessite l’installation durable de plusieurs chirurgiens-dentistes.